Que faire lorsque la raison d’être de notre activité est remise en cause ?
Lorsque ses fondements sont en périls ? Quand la réinvention est synonyme de survie ?
Le 13 mars 2020, un tsunami s’est abattu sur le Québec, emportant avec lui nos cuisines collectives version « pré-pandémie ». Nous étions dans une brume totale, mais notre désir de soutenir notre monde était inébranlable.
Voilà le genre de défis qui ont temporairement paralysé nos activités. Je parle des nôtres, au Centre d’entraide Racine-Lavoie à Saint-Eustache dans les Basses-Laurentides, mais je pourrais tout aussi bien parler de tous les autres. Je pourrais même parler de tout, partout !
Le confinement est rarement compatible avec l’entraide et le collectif, il en est même un parfait opposé. Cependant, nous avons réussi le tour de force d’unir ces deux concepts, en trouvant des façons de faire innovantes et bienveillantes.
Lorsque les écoles, les entreprises, l’économie de services et de loisirs ont fermé leurs portes, nous sommes restés ouverts. Les organismes qui plaident constamment leur pertinence et l’obtention d’un meilleur financement devenaient, aux yeux des gouvernements, un service essentiel.
Fallait-il une pandémie pour parvenir à ce constat ?
Le statut « ouvert » de notre organisme s’accompagnait d’un nombre quasi infini de questions. Souvent sans réponse. Nous avions cependant la certitude et la volonté de poursuivre notre mission et de soutenir notre communauté. Les demandes d’aide se sont mises à exploser, mettant à rude épreuve notre capacité à aider. À la suite d’une réflexion d’équipe et devant l’incapacité d’offrir des cuisines de groupe en période de confinement, les coordonnatrices d’alternatives alimentaires du Centre ont vu leurs tâches se métamorphoser et ont joint les équipes de distributions alimentaires. Dans le communautaire, on se retourne sur un dix sous. Avec la COVID-19, on s’est retournés sur une tête d’aiguille !
Jamais les cuisines du Centre n’avaient connu une si longue pause, jamais les fourneaux n’étaient si longtemps restés froids. Du vendredi 13 mars jusqu’au mois de septembre, tout était gelé. Pour permettre aux personnes et aux familles vulnérables de traverser cette pandémie avec un peu plus de légèreté, nous avons distribué des cartes-cadeaux d’épicerie. À réalité extraordinaire, méthode extraordinaire. Ce n’était pas l’idéal, mais dans ce contexte singulier, nous estimons avoir pris les meilleures décisions.
Pendant cette période trouble, nous jonglions avec les nouvelles mesures sanitaires qui changeaient au gré du vent et des mesures de confinement tout aussi changeantes. Le soutien du RCCQ et leur création du Guide de reprise des activités nous a permis d’en créer un s’adaptant parfaitement à notre réalité. Des coups de téléphone aux participantes ainsi que diverses communications virtuelles nous ont permis de constater leur soif de recommencer les activités. Leur besoin de recommencer. Ce sentiment a accéléré notre volonté de redémarrer la machine.
Afin de valider nos multiples procédures, nous avons fait deux groupes-pilotes que nous avons scrutés à la loupe. Vérifiant chaque déplacement, mettant en lumière chaque zone d’ombre, chaque rapprochement, chaque entorse aux mesures sanitaires.
Des visières et des masques de procédures ont été achetés, des mesures ont été écrites, des formulaires d’engagement ont été rédigés et les groupes ont repris. Oui, nous étions dans une brume dense, mais nous avions tout de même l’impression de contrôler la situation. Autant que faire se peut.
Le temps semble nous avoir donné raison, les cuisines collectives sont comme avant, tout en étant totalement différentes. Malgré les contraintes, le plaisir de cuisiner ensemble et de partager un moment d’entraide ne se dément pas.
Malgré la coloration de la zone, le Centre d’entraide Racine-Lavoie poursuit ses activités en adéquation avec les mesures sanitaires gouvernementales et espère traverser la crise avec la fierté de ne jamais avoir abdiqué !
Vive l’entraide et les cuisines collectives !
par Josée di Tomasso, chargée de projets au Centre d’entraide Racine-Lavoie
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