De nouveau cette année, Bianca Sévigny a accepté d’animer l’assemblée générale du RCCQ. Peut-être ne savez-vous pas que Bianca est une force de la nature qui revient de loin? De très, très loin?
« Je viens d’un fond de rang, à Sainte-Camille. Après le divorce de mes parents, j’avais 12 ans quand j’ai décidé de ne plus aller chez mon père. Il buvait à chaque fin de semaine alors qu’il avait notre garde. Avec mes deux sœurs, on était toujours à traîner dans les bars. Je voulais cesser d’avoir cette vie-là toutes les fins de semaine. Je suis alors devenue un problème pour ma mère, qui, du coup, n’avait plus ses fins de semaine juste pour elle… »
« J’ai ensuite eu des difficultés avec ma mère, qui buvait beaucoup et qui jouait à la machine. Elle a tout perdu : la maison, la famille, tout ça… », raconte Bianca. Les petits et grands drames s’accumulent jusqu’à faire déborder le vase de la DPJ. « Mes sœurs ont été placées. Moi, je continuais de vivre chez ma mère. Par la suite, j’ai fait une mononucléose » qui l’oblige à manquer l’école et à perdre une année scolaire.
Elle parvient quand même à s’inscrire en musique (son rêve!), au cégep de Drummondville. « Je me suis dit; ma liberté va commencer! Je sors du milieu familial! Enfin! Mais ma mère a décidé de prendre un logement à Drummondville et de m’inclure, moi, dans ce logement. Elle a dépensé mes prêts et bourses dans l’alcool et les machines à gager. Un mois plus tard, j’ai dû abandonner le cégep. Je me suis réfugiée chez ma belle-famille pour me refaire une santé émotionnelle. »
Bianca a eu, très jeune, deux petites filles de deux pères différents, qui sont très vite disparus du portrait. « J’ai décidé de me reprendre en main, de dire à ma famille : je vous tasse tous! Je vais m’occuper toute seule de moi et de mes filles! C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à prendre du pouvoir sur ma vie. » Et c’est à ce même instant que les cuisines collectives entrent en scène.
Les cuisines collectives sont venues combler deux besoins essentiels dans la vie de jeune mère de Bianca : 1- manger et 2- faire manger. « Mes enfants grandissaient, mais je ne savais toujours pas comment cuisiner. J’avais quatre aliments de base : le pain, les patates, les carottes et le bœuf haché. Je ne savais même pas lire une recette! Ça fait que je me suis rendue à la Maison de la famille. » Elle charge ses deux filles dans des harnais, l’une suspendue au dos et l’autre sur la bedaine, et entreprend de marcher, aller-retour, les deux kilomètres les séparant de la solidarité humaine et des connaissances culinaires de base – cours Manger au Québec 101.
À la Maison de la famille du coin, Bianca Sévigny participe à des ateliers sur la discipline et sur le comportement des enfants. Elle se découvre des affinités et noue des amitiés avec d’autres mamans. Et elle finit par organiser un premier groupe de cuisine collective, « en n’osant jamais dire que je ne savais même pas cuisiner, que je n’avais pas d’argent et que je vivais sur l’aide sociale. »
La jeune mère se découvre un talent inné pour la planification, enrichi d’un charisme chromé et d’une discipline en acier. Elle motive les autres participantes du groupe de cuisine collective. Bianca leur permet, à leur tour, de découvrir et de développer leurs propres dons et talents. Bianca éclot. Son groupe aussi.
Elle est bien vite remarquée par le Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ), qui l’invite à siéger à son conseil d’administration. « J’ai appris à produire un procès-verbal! Je sentais pour la première fois que j’avais trouvé ma place dans la société! J’étais reconnue pour ce que je savais faire. Ça m’a donné des ailes! Les cuisines collectives m’ont donné la confiance, ainsi que le pouvoir de me développer individuellement, tout en ayant un impact collectif ».
Bianca Sévigny travaille depuis onze ans à la Corporation de développement communautaire de Drummondville comme agente de développement et de concertation. Elle partage sa vie depuis plusieurs années avec un mec bien. Ses deux filles, maintenant âgées de 16 et 18 ans, « ont toujours bien mangé ». Les deux filles ont hérité de la détermination de leur mère, qui leur sert de bouclier contre l’hérédité du destin.
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Info : Jack Duhaime, communication@rccq.org 514 529-3448
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